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Vague mondiale de révoltes et situation révolutionnaire

Ce texte est une tentative d’approfondir la compréhension de la phase actuelle de la lutte de classe, et en même temps, il exprime comment cet effort est le résultat de la communication et de la discussion internationale menées par des minorités du prolétariat sous différentes latitudes du monde.

1) Nous croyons que nous vivons une période charnière qui met fin à la forte période de reflux que nous avons connue dans les années 90 du 20° siècle. Une période anticipée par les luttes de 2001 en Argentine, Equateur, Bolivie, 2006 à Oaxaca, 2008 les révoltes de la faim, jusqu’en 2011 dans le monde entier et sa continuation en 2013 au Brésil et en Turquie.

2) Il nous paraît important de différencier l’entrée dans une période historique de révolution sociale et le fait que nous soyons face à des situations révolutionnaires. Nous pensons que nous sommes au début de la première période, mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir avant la seconde. C’est-à-dire que la crise de plus en plus forte du capitalisme, le développement d’une humanité de plus en plus superflue, la crise de la valorisation, etc. vont obliger les prolétaires à lutter pour la défense de leurs conditions de vie et à activer des luttes de plus en plus fermes et radicales. En ce sens, nous vivons le début d’un processus de polarisation sociale au niveau mondial.

3) Ces luttes ont un caractère synchronisé et mondial. Elles ont tendance à se nourrir les unes des autres et la dynamique sera de plus en plus de la sorte.

4) Mais nous sommes face à une vague de révoltes, de rébellions, etc. Ce ne sont pas des révolutions ou des situations révolutionnaires où l’on pourrait renverser la praxis du capital, où l’on serait en mesure de développer une attaque contre le capital et ses rapports sociaux pour imposer dans une région du monde la dictature du prolétariat contre le capital et l’Etat. À notre avis, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir.

5) C’est pourquoi nous devons lire ce qui se passe non pas comme une photographie mais comme un film qui connaîtra des hauts et des bas. Mais c’est un film dont l’intrigue est celle d’une polarisation sociale de plus en plus intense et concentrée ; du développement de blocs sociaux de plus en plus antagonistes.

6) Le fait d’y penser comme un film et non comme une photographie nous aide à réfléchir sur la dynamique en cours et sur le fait qu’une des tâches les plus importantes pour des minorités comme la nôtre, c’est celle de la clarification programmatique par l’étude des leçons du passé, celle de la coordination et de la communication internationale entre les différents groupes… Ce genre de questions est décisif. Il ne s’agit pas aujourd’hui de mener une insurrection victorieuse qui mettra fin au capital dans les lieux les plus avancés de la révolte en cours (Chili et Irak), mais d’essayer de développer au maximum les niveaux d’auto-organisation et d’autonomie de classe tels qu’ils existent (et qui sont une répétition fractale et impressionnante des révoltes et révolutions du passé, voir les images de la place Tahrir à Bagdad est quelque chose d’incroyable) et surtout d’assurer une défense intransigeante de nos positions communistes et anarchiques, par exemple au Chili la critique de l’assemblée constituante.

7) La défense de ces positions sera décisive pour les futurs processus à venir. Nous pensons que nous sommes au début d’une période historique qui va se radicaliser de plus en plus et s’internationaliser avec plus de force. C’est pourquoi nous répétons sans cesse qu’il est important de penser la dynamique actuelle comme un film et non comme une photographie, comme nous l’avons dit plus haut. Il ne s’agit pas maintenant d’être obsédé par l’insurrection ou par les flux et reflux des processus qui sont et seront nécessairement vécus, comme en Équateur, mais de penser à la dynamique en cours, et cette dynamique est révolutionnaire, elle va vers des niveaux d’antagonisme social de plus en plus intenses.

8) En ce sens, nous croyons en effet que nous sommes au début d’une nouvelle époque de révolution sociale. Une époque encore caractérisée uniquement par des révoltes et des rébellions et pas encore par des situations révolutionnaires dans le monde entier comme cela s’est produit il y a cent ans, en 1919. Nous sommes au début d’une époque de révolution sociale et de vague révolutionnaire comme celle qui a traversé le monde de 1910 à 1937 (surtout de 1917 à 1921) ou de 1968 à 1980. Et cette vague va continuer et se développer avec toujours plus de force.

9) Comme nous l’avons dit plus haut, un aspect de la vague actuelle est l’extension énorme de la synchronisation internationale des révoltes en cours. C’est pourquoi nous croyons pouvoir dire que la tendance à l’internationalisation des luttes du prolétariat mondial sera de plus en plus forte. Il est très emblématique de penser à la synchronisation actuelle par rapport aux débuts des vagues révolutionnaires précédentes, en 1917 ou 1968. C’est sans aucun doute l’un des éléments les plus remarquables et les plus importants du séisme actuel de la lutte des classes. Contre tous les négateurs de l’internationalisme, la lutte du prolétariat sera de plus en plus internationale.

10) Le plus important maintenant est de savoir comment pourraient être mises en place les lignes asymptotiques qui communiquent la formation révolutionnaire du prolétariat en lutte et les leçons programmatiques du passé réalisées par des minorités. En d’autres termes, comment le prolétariat peut se constituer en classe, en parti, et atteindre une cohérence, en partant de sa propre expérience, qui le conduit à afficher son antagonisme contre le capital et la valeur sous ses nombreuses formes. Et pour cela, le rôle des minorités comme les nôtres, en tant que partie de la classe, est fondamental ; ainsi que notre participation dans les moments de barricades mais aussi dans les moments de bilan, dans le flux de la lutte de classe mais aussi dans les reflux qui suivront. C’est pourquoi, des initiatives comme celles que vous êtes en train de faire là-bas sont si importantes. Quel rôle les minorités révolutionnaires peuvent-elles jouer ? C’est sans doute l’un des aspects les plus faibles que nous rencontrons dans cette nouvelle vague de lutte de classe internationale. Concrètement, cela signifie comment renforcer la centralisation et le débat autour des positions, des expériences, des bilans… entre les différents groupes des communautés de lutte dans lesquelles les prolétaires révolutionnaires et internationalistes tendent à s’organiser. Et cela signifie, en fin de compte, renforcer le rôle de la théorie révolutionnaire dans la compréhension de la nature du capital afin de rompre avec lui, reconnaître le fil discontinu de notre histoire de classe et les leçons qui peuvent être tirées des révolutions et contre-révolutions passées, et approfondir et renforcer le rôle que les minorités peuvent jouer depuis l’intérieur des mouvements de classe actuels et futurs pour critiquer les faiblesses de notre classe et chercher à faire avancer les mouvements pratiques et la clarification autour des objectifs globaux et historiques du prolétariat. Ces aspects nous semblent aujourd’hui décisifs.

11) Nous avons toujours insisté sur le fait qu’il nous semble très important d’essayer d’analyser les rapports de force entre les classes. En définitive, une période de contre-révolution est une époque marquée par la paix sociale et le triomphe absolu du capital. Ce sont les temps normaux du capital, de son fétichisme marchand et de sa logique démocratique. Des périodes qui ont été interrompues par des périodes de lutte de classe intenses, telles que les vagues révolutionnaires mentionnées plus haut. C’est pourquoi, nous pensons en effet que nous sortons d’une période de contre-révolution et de reflux social intense comme celle des années 1990. Cependant, il n’y a pas de ligne de démarcation claire entre la révolution et la contre-révolution ; il faut surtout savoir que la révolution coexiste toujours avec la contre-révolution, que les luttes actuelles suscitent partout la contre-révolution portée par la bourgeoisie.

12) Ceci dit, il est très important de savoir comment nous, les révolutionnaires, analysons les époques de contre-révolution afin de faire la distinction avec la période actuelle. Comme nous l’avons dit, nous sommes devant le début d’une époque charnière qui laisse derrière elle la phase de reflux contre-révolutionnaire des années 1990. Une période précédée de toute une série de luttes au début du siècle et surtout en 2008-2013. En tout cas, la contre-révolution des années 1990, qui n’a jamais été absolue, illustre bien la façon dont la perspective de vaincre le capitalisme par un processus révolutionnaire qui contribuerait à la réalisation de la communauté humaine confrontée aux sociétés de classe a été affaiblie. C’est l’élément principal de la contre-révolution des années 1990 et il pèse encore comme un lourd fardeau sur les faiblesses de notre classe dans les luttes d’aujourd’hui. En tout cas, nous ne pensons pas que le reflux des années 1990 puisse être comparé à celui qui a débuté à la fin des années 1920 et durant les années 1930, lorsqu’il était « minuit dans le siècle » et que la contre-révolution s’est affirmée à travers les régimes jumeaux du fascisme, du stalinisme et du New Deal social-démocrate. Une contre-révolution qui a réduit les structures prolétariennes et de classe de la vague révolutionnaire précédente à quelques poignées de minorités isolées.

13) Enfin, ce genre de correspondance nous est très utile, afin que nous puissions nous expliquer en commun. Nous espérons avoir clarifié quelque chose ; il nous semble, en somme, que nous ne sommes qu’au début d’une nouvelle époque historique marquée par la révolution sociale, par la polarisation sociale qui va susciter des antagonismes de classe de plus en plus forts et virulents. C’est le terrain fertile pour la constitution de notre classe en parti, en clarifiant sa perspective historique : sa négation en tant que classe pour nier le capital et ses rapports sociaux. Mais pour cela, il reste encore beaucoup à faire, comme le disait Marx après une première vague européenne de luttes internationales qu’il a connue (en 1848) : « Quand nous disons aux travailleurs : “Vous avez encore à traverser quinze, vingt, cinquante années de guerre civile et de conflit pour non seulement changer les choses, mais aussi pour vous changer vous-mêmes et être à même d’accéder au pouvoir politique”, ils disent le contraire : “Nous devons prendre immédiatement le pouvoir ou aller se coucher.” »

Traduction française : Los Amigos de la Guerra de Clases

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